
Ma petite guérilla personnelle — et probablement futile — contre les géants du numérique
Nourrir la Machine ne peut être que néfaste.
Ces géants du monde numérique sont en train de transformer notre univers sans qu’on y puisse grand-chose. On les surnomme les GAFAM, qu’il faudrait renommer GAMMA étant donné que Facebook s’appelle désormais Meta; toutefois cet acronyme est stupide parce qu’il ignore les BHATX, les géants chinois Badu, Huawei, Alibaba, Tencent et Xiaomi.
La Troisième Guerre mondiale fait déjà rage : elle est économique. Dans l’environnement qui est le nôtre, économique sous-entend « technoscientifique à la sauce capitaliste (et qui se passe très bien du libéralisme politique) ».
L’image associée à cette scribouillure me vient de ma job : le service des comm croit bon de nous informer « d’astuces pour alléger la surcharge numérique ». La seule posture possible me semble être la guérilla. Un combat d’arrière-garde, certes, mais par principe.
Il faut lire Accélération d’Harmut Rosa et Le capital algorithmique de Durand-Folco et Martineau pour comprendre au moins un peu le système de plus en plus inhumain dans lequel on s’enfonce.
Il est peut-être trop tard. Il était peut-être trop tard dès qu’on a enclenché la révolution industrielle capitaliste telle que l’a analysé Marx et dont l’œuvre continue d’être d’actualité à plusieurs égards. En fait, il était peut-être trop tard dès le moment où nos lointains ancêtres hominidés ont commencé à maîtriser le feu…
Entécas, force est de constater que depuis la Révolution industrielle, l’humain n’est plus qu’un wagon tiré par la locomotive appelée Machine. Nous sommes sommés de suivre le rythme artificiel de la chaîne de montage globale qu’est en passe de devenir le marché global et dont le rythme augmente de manière exponentielle.
Aujourd’hui tout est soluble dans le capitalisme : l’industrie de la croissance personnelle jumelée à la propagande permet de mettre l’image d’un dude qui médite sur une publication institutionnelle nous incitant à trouver des « astuces » pour s’adapter au mode de vie écervelé lié à la productivité du 21e siècle.
Je pourrais m’étendre longtemps sur le sujet, mais je vous laisse lire les ouvrages déjà cités. Un seul exemple suffira, je crois, à donner le ton.
Il y a trois ans, relativement au sortir de la pandémie qui nous a enfoncés la télévie (télétravail, télé-éducation, télédivertissement, etc.) dans la gorge, l’IA n’avait pas été déployé pour le grand public. Trois ans plus tard, nous sommes pris avec cet engin problématique. C’est un problème parce que : 1) il dépend d’une infrastructure économique extractiviste et énergivore qui contribue de manière irréfragable à l’augmentation du rythme de la destruction de l’environnement; 2) il rendra à terme les gens qui ne savent pas s’en servir (j’oserais dire une majorité) vraiment stupides. En plus les IA ne sont même pas fiables…
Pourquoi stupides? Pensez à tous ces étudiants de 17 ans qui quittent le secondaire pour le cégep, où ils devraient normalement apprendre à apprendre, c’est-à-dire apprendre des méthodes de travail intellectuel pour pouvoir aller à l’université, qui par paresse feront faire le travail par les IA. Leur cerveau ne se développera pas. Ils resteront d’éternels adolescents sur le plan intellectuel.
Ils rétorqueraient probablement à cela : pas grave, je pourrai toujours demander à l’IA.
Et moi : Pas toujours. Des fois tu vas être devant ton boss qui va te demander ton avis sur un dossier complexe et qui voudra une réponse sur le champ. Pourquoi en fait te gardera-t-il à l’embauche s’il peut passer outre l’intermédiaire que tu seras devenu pour demander lui-même à l’IA?
Le pire est à venir : Quand tes facultés intellectuelles commenceront à décroître en vieillissant, au lieu de partir d’un certain degré optimal développé à grands coups d’efforts intellectuels, tu vas partir du stade adolescent. Je te souhaite une belle vieillesse.
Probablement qu’à cette époque la technologie pourra suppléer encore plus à notre stupidité?
Peut-être.
Je crois cependant que c’est une route de servitude et, personnellement, je ne l’emprunterai pas (ou le moins possible). Libre à ceux qui le veulent de se jeter dans la gueule de la Machine.
J’opte pour l’inverse : un monde fait de chair et d’os, d’esprits en face-à-face, connectés à la nature, à l’art concret, la musique réelle, l’écriture à la main…
J’opte pour nourrir le moins possible la Machine, ce pour quoi j’ai décidé de raréfier le plus possible mon utilisation de Meta (Facebook, Instagram, Messenger, Whatsapp) et de Google, pour me tourner vers des alternatives.
Ma petite guérilla va-t-elle changer quoi que ce soit à la situation?
J’en doute, mais c’est une question de principe.